Discours de Rémi Boussemart lors du 81e congrès du Parti socialiste.
Seul le prononcé fait foi
Chers amis, Chers camarades,
C’est un réel plaisir de vous retrouver à Nancy, ville que nous connaissons bien avec les Jeunes Socialistes pour y avoir tenu notre congrès il y a moins d’un mois.
Quelle fierté de nous voir si nombreux, venus de toute la France et rassemblés ici, grâce à l’accueil de Matthieu Klein, grâce au travail des équipes du parti, des bénévoles et des militants de la fédération de Meurthe-et-Moselle, et du service d’ordre. Je voudrais les remercier tout particulièrement pour nous permettre de nous retrouver ce week- end pour vivre ce moment de débat et de camaraderie.
Je voudrais également saluer les militants Jeunes Socialistes qui ont fait le déplacement depuis leur fédération, et qui m’ont fait l’honneur de m’élire à la tête de notre organisation de jeunesse il y a peu. Votre présence ici montre que nous, Jeunes socialistes, nous prenons toute notre part à la vie de notre parti, à ses combats et à ses débats.
Cette mobilisation des jeunes, nous l’avons vue au cours de ces derniers mois, au cours des AG de présentation des textes d’orientation où vous avez été nombreux à intervenir, parfois même à présenter un TO.
Nous la voyons sur le terrain, dans nos fédérations, dans les villes, sur les campus des universités, dans les campagnes. Partout en France, les Jeunes Socialistes luttent.
Cette lutte, je la sais nourrie par nos idéaux de justice et d’égalité. Je sais que chacune de nos actions militantes, de nos tractages, de nos porte-à-porte, de nos réunions, parfois matinales ou tard le soir, tout cela repose sur une conviction :
Demain peut être meilleur. Rien n’est écrit. C’est cet optimisme inébranlable qui nous nourrit.
Avant de commencer mon propos conclusif de cette table-ronde, je souhaite remercier nos intervenants pour la qualité de leur propos, l’apport de leur réflexion à nos débats. Nos liens avec le monde universitaire, avec la réflexion vivante de nos chercheurs et penseurs, ce sont des liens à chérir, à entretenir. Je vous le dis donc, l’Académie des Jeunes Socialistes sera un espace pour vous accueillir !
C’est la question de l’union qui a été abordée ici, et elle doit s’attacher à l’histoire. La gauche est une force, et cela a été démontré, qui est une sédimentation de combats successifs, qui puise sa force dans le renouvellement de sa doctrine au fur et à mesure des époques.
Que cette année, en 2025, nous commémorions le congrès du Globe de 1905 n’est pas anodin. Car tout comme ce fut le cas à l’époque, aujourd’hui, l’histoire nous regarde. Parce que le choix que nous devons faire ici n’est pas un simple débat d’appareil. C’est un choix de civilisation.
Soit, nous laissons la gauche divisée, archipélisée, et c’est l’extrême droite qui emporte la mise. Soit, nous bâtissons l’union sur une ligne de rupture, et alors la victoire devient possible.
I. Le moment est grave : nous devons unir la gauche pour empêcher l’irréparable.
Jamais depuis la Libération, nous n’avons été aussi près de voir la droite autoritaire et identitaire accéder au pouvoir par les urnes.
Jamais depuis les années 30, nous n’avons vu autant de déclassement social, de rage silencieuse, de jeunes désespérés, de services publics abandonnés. Jamais les fossés entre les puissants et favorisés et le reste de la population n’avait été aussi profond.
Et dans ce chaos, c’est l’extrême droite qui avance, avec son faux vernis social, avec ses mensonges, avec ses ennemis désignés.
Les macronistes portent une responsabilité historique en ayant facilité sa banalisation, sa notabilisation, en ayant nourri l’idée, peut-être par cynisme, par opportunisme, par inconscience, que l’arrivée du RN au pouvoir n’était finalement qu’un moindre mal.
L’extrême droite prospère parce qu’elle s’appuie sur une réalité sociale que nous avons, trop souvent, regardée de loin. Ce sont des électeurs ordinaires. Des gens que nous avons, parfois, cessé d’écouter. Des salariés précaires, des chômeurs de longue durée, des habitants de zones rurales ou périurbaines désindustrialisées, abandonnés par la République, ignorés par la gauche lorsqu’elle a confondu pouvoir et gestion. Là où il fallait parler de destin collectif, nous avons offert des segments de programmes et des injonctions morales.
Voilà des années que la vague monte lentement, que le RN diffuse ses rengaines identitaires. Partout où le capitalisme appauvrit, divise, marginalise, l’extrême-droite diffuse ses rengaines. Ici en Meurthe-et- Moselle comme chez moi, dans le Nord, les délocalisations, la désindustrialisation et le chômage de masse ont précarisé des millions de personnes.
Les industries de jadis, les hauts fourneaux, les mines, les ateliers étaient certes des lieux d’exploitation, de travail intense, mais donnaient également corps à une solidarité, une camaraderie, une conscience d’appartenir à un même groupe, une même classe, avec des intérêts communs.
Avec l’effacement silencieux du monde ouvrier, ce sont tous ces liens sociaux qui s’étiolent, qui disparaissent, pour laisser place à la rancœur et à la peur du déclin, la peur que la vie de leurs enfants soit plus dure que la leur.
Et pourtant, camarades, la situation sociale devrait être un terreau pour la gauche. Précarité, violence du marché, chômage structurel, effondrement écologique, solitude des travailleurs... autant de combats que nous avons toujours portés. Autant de questions auxquelles nous savons pouvoir apporter des réponses pour vivre mieux.
Et pendant ce temps... nous, la gauche... on se divise. On s’observe.
On compte les points.
Mes camarades, face à cela, j’ai une conviction profonde : si la gauche n’est pas audible, c’est d’abord parce qu’elle est divisée. C’est parce que nous sommes davantage tournés vers nous-mêmes plutôt que vers les Français, à nous quereller et à surjouer nos désaccords.
Nos adversaires se nourrissent de la division. Emmanuel Macron divise les travailleurs et les assistés, les riches et les pauvres, les élites éclairées et les gaulois réfractaires. Marine Le Pen divise ce qu’elle appelle les Français de souche et ceux issus de l’immigration. Mais il n’y aura pas de destin commun pour notre nation si nous ne reconstruisons pas à nouveau ces liens sociaux.
Et pourtant, la demande d’union est là. Elle est massive. Elle est sincère. Et nous, les Jeunes Socialistes, en seront la voix sans discontinuer. Ces jeunes, ils n’en peuvent plus des postures, des égos, des « grandes manœuvres ». Ils n’en peuvent plus des tentatives pour s’imposer comme candidat avec tordant le bras d’autres. Ils veulent une gauche qui change la vie, pas une gauche qui change de sigle.
Et ce rassemblement des partenaires de gauche, je le sais particulièrement attendu chez les Jeunes Socialistes. Certains chez nos aînés y voient une candeur, une naïveté face à ce qu’est la France insoumise, un péché de jeunesse. Mais nous le disons avec force : c’est l’urgence de l’époque et l’attente des Français qui nous y oblige.
Alors oui : le temps de la division est terminé.
Nous ne pourrons évoquer l’union sans évoquer la gauche, sa composition, son origine, sa raison d’exister.
La gauche, c’est l’équilibre. C’est une force qui avance pour résorber les anormalités du monde et de la société. Elle porte cet idéal de création de la liberté pour chacune et chacun par l’égalité des conditions d’existence, moyen de mettre en œuvre la fraternité.
La gauche, elle se compose bien sûr des partis. Aujourd’hui, ils provoquent défiance, déception. Nous n’avons pas été épargnés. Alors, si certains se cachent derrière des organisations en forme de
« mouvement », souple ou fluide, qui demeurent des partis politiques au regard des rôles qui sont les leurs, nous avons entamé une interrogation sur notre place et notre position.
Un parti offre un point de repère, politique et culturel. Ils construisent des enjeux politiques en soulevant des questions face à la banalité de l’inégalité. Ils suggèrent des éléments de reconnaissance, créent des ponts. Ils forgent des identités. Cette identité politique, le socialisme pour nous, est ancré, il nous relie, il nous oblige au rassemblement.
Mais cette identité socialiste, qui par ailleurs a fait l’objet de nombreux débats durant ces dernières années et notre congrès, ne doit pas être excluante. Car, à gauche, les identités de s’excluent mais doivent s’additionner.
Nous savons que la démocratie, ça n’est pas seulement la pratique des élections et le gouvernement de la majorité. C’est bien plus qu’un mode de scrutin, c’est une vertu, une morale, le respect de l’adversaire, c’est reconnaître à l’opposition et aux minorités le droit de ne pas être d’accord.
Nous ne voulons pas d’une gauche sectaire, qui se regarde le nombril, pas plus que nous voulons d’un Parti socialiste qui cultive la nostalgie de son hégémonie perdue. Nous voulons d’une gauche unie et ouverte, qui assume son projet de rupture et qui rassemble tous ceux qui souhaitent le partager.
II – L’union doit être construite sur un projet de rupture et une ligne claire
Camarades, nous ne voulons pas d’une union molle. Pas d’une recomposition à bas bruit. Pas d’un cartel de logos. Ce que nous voulons, c’est une union populaire et révolutionnaire, au sens noble du terme : qui renverse l’ordre établi pour bâtir autre chose. Une gauche qui contrarie la fatalité, qui ouvre des destins nouveaux, qui crée une voie.
Mais l’union ne peut pas être un cache-misère. Elle ne peut pas être une simple opération de marketing politique. Elle doit être une union fondée sur une rupture.
Un programme de rupture, une posture de rassemblement, voilà les deux piliers qui doivent fonder l’action de notre parti et l’union de la gauche. Cette union, nous la ferons par sens du devoir, parce que ce n’est qu’ainsi que nous empêcherons la victoire de l’extrême-droite. Nous la ferons pour ne pas rejouer le match perdant des dernières présidentielles, la candidature par défaut de Jean-Luc Mélenchon qui nous conduira à l’échec au premier comme au second tour. Nous refusons de nous résigner à la division des gauches, d’accepter la défaite avant même le début de la campagne.
Il faut tirer les leçons de notre histoire. En 1905, au Congrès du Globe, les socialistes se rassemblent pour fonder la SFIO. Madeleine Rebérioux disait que cela devait être un congrès de notaires, ce fut un acte fondateur pour donner une expression politique aux classes populaires. Au cours de ce congrès de Nancy, nous avons acté qu’une majorité de socialistes soutenait la voie défendue par Olivier Faure, l’union de François Ruffin à Raphaël Glucksmann. À nous de la construire et de la faire vivre dans nos fédérations et à travers le pays !
En 1936, quand Léon Blum prend la tête du Front populaire, il le fait sur une ligne de rupture : réduction du temps de travail, congés payés, hausse des salaires. Et cette union n’a pas été un compromis tiède : elle a été un élan révolutionnaire dans les consciences. C’est une nouvelle société qui naissait.
En 1981, c’est cette même dynamique de rassemblement qui permet à Mitterrand d’arracher la victoire. Parce que la gauche a su parler au peuple, parce qu’elle a porté l’audace, parce qu’elle a su créer un imaginaire de conquête. Parce qu’elle l’a réalisé, aussi, dès 1977 au niveau local des municipalités.
Il faut que la société ait devant elle un idéal auquel elle tende pour agréger, pour soulever, pour conduire les désespérés à retrouver un chemin d’espérance. Cette gauche, il faut qu’elle ait quelque chose à faire, un peu de bien à réaliser, une contribution originale à apporter au patrimoine moral de l’humanité.
Aujourd’hui, nous devons réinventer cette dynamique. Car oui, la gauche doit changer. Mais elle ne changera pas en renonçant. Elle changera en assumant la transformation radicale de la société.
- Fin du productivisme aveugle.
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Valorisation du travail invisible, des métiers du lien, du soin, de la vie.
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Répartition des richesses, fin des privilèges fiscaux.
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Planification écologique.
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Lutte contre les dominations patriarcales et racistes.
Et cette ligne de rupture, camarades, nous devons l’assumer. La porter.
La faire vivre.
Et pour cela, il faut une stratégie.
Nous ne voulons pas d’une gauche refermée sur une base, comme le propose Jean-Luc Mélenchon. Car cette base est trop étroite pour gagner, trop clivante pour convaincre. Nous voulons une gauche ouverte, une gauche résolue, mais inclusive. Une gauche qui agrège, qui dépasse, qui mobilise.
L’union ne se gagne pas dans les seuls rapports de force électoraux. Elle se gagne dans la capacité à articuler les luttes, à construire un "peuple" à partir de revendications éparses.
Les socialistes ont cette capacité historique à faire la synthèse. Non par mollesse, mais par volonté d’efficacité. Car la transformation sociale passe par la majorité politique. Et cette majorité, elle ne se décrète pas, elle se construit.
III – Les socialistes doivent être l’outil de cette union
Camarades, soyons clairs : l’union ne se fera pas sans nous. Mais elle ne se fera pas malgré nous non plus. Elle ne se fera que si nous sommes capables de parler clair, de rassembler, et de sortir des logiques de clan.
Car, pour unir la gauche, nous avons un atout immense : notre expérience démocratique. Nos congrès, nos débats, notre culture du compromis et de la synthèse. Là où certains imposent des chefs, nous construisons des majorités. Là où certains insultent, contraignent, nous débattons, discutons. Non sans passion, mais avec la certitude que nous nous retrouverons autour de la ligne qui aura été tranchée majoritairement.
Nous devrons aussi sortir des postures, ramener certains débats à des enjeux personnels. Je vous le dis, nous Jeunes Socialistes, nous n’accepterons plus de voir la noblesse de nos débats politiques être souillés par des vulgaires volontés de remplacer un tel ou un tel.
Alors ne laissons pas certains instrumentaliser nos débats internes pour mieux justifier l’inaction ou la division. Le congrès, ce n’est pas un jeu d’ombre. C’est un outil pour trancher, pour avancer, pour construire.
Regardez Rennes, Paris, Lille, Clermont, Marseille, Nantes, Nancy : des villes où la gauche unie agit, innove, protège, transforme. Là, l’union change la vie.
C’est ça, le socialisme municipal.
C’est ça, la gauche utile.
C’est ça, l’union qui transforme la vie concrète.
Et c’est cette méthode que nous devons porter pour 2026, pour 2027, dans les territoires comme au niveau national.
Camarades, l’heure est venue de faire un choix.
Devant vous, je pense aux mots de René Viviani, camarade de lutte de Jaurès, président du Conseil en 1914 et cofondateur du journal L’Humanité.
Comme il le disait, je veux dire aujourd’hui : « allez donc à la bataille, élus du parti socialiste, et n’oubliez pas que si, par la noble fonction de la constitution républicaine, vous êtes les élus de la France, par la fonction élargie de la constitution socialiste, vous êtes les représentants du prolétariat universel » ! Vous pourrez compter sur les Jeunes Socialistes !
Nous pouvons continuer comme avant : attendre un miracle, espérer qu’un leader s’impose, ou que les autres s’effacent. Mais ce serait rejouer le scénario perdu des présidentielles. Une candidature imposée, sans union, c’est une défaite assurée.
Ou alors, nous pouvons faire un pas en avant. Porter une autre méthode. Celle de l’union construite sur une ligne de rupture. Celle de l’ouverture, sans naïveté. Celle de la clarté, sans sectarisme, avec Olivier Faure !
Le Congrès de Nancy a montré que la majorité des socialistes veulent cette ligne. C’est à nous maintenant, militants, élus, jeunes, de la faire vivre partout.
Parce que oui, camarades :
l’union est notre héritage.
L’union est notre espoir.
Et l’union est notre devoir.
Ne laissons pas le champ libre à l’extrême droite. Ne laissons pas notre camp se déchirer. Portons avec enthousiasme, avec force, avec conviction, le drapeau de l’union de la gauche.
Pour que le socialisme redevienne ce qu’il a toujours été dans les grandes heures de notre histoire :
Une force de transformation. Une force de rupture. Une force d’avenir.
Vive la gauche ! Vive l’union ! Vive le socialisme !
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