Discours de clôture du Congrès de Lille
Seul le prononcé fait foi.
Chers amis, chers camarades,
Chère Sarah, Chère Audrey, Chère Blandine, chers élus,
Cher Rémi, chers membres du secrétariat national des Jeunes socialistes, chers membres du bureau national, cher Arthur, cher Quentin,
Chers camarades venus de l’Europe toute entière, mais aussi des syndicats étudiants et lycéens, des autres organisations de jeunesse de gauche, chers camarades jeunes socialistes venus de toute la France pour ce congrès,
Quel bonheur, quel honneur de prendre la parole à cette tribune aujourd’hui à Lille. Quel bonheur et quel honneur de conclure ainsi ce congrès des Jeunes Socialistes. Ce congrès, vous le savez sans doute, est le premier que nous tenons depuis 2018. C’est le premier depuis que nous avons mené, ensemble, la reconstruction de notre organisation.
Ce travail de reconstruction, ce n’est pas le fait d’une seule personne ou d’une seule fédération. Ce fut l’oeuvre d’un collectif militant, d’un collectif militant qui su trouver des alliés là où ne régnaient que les divisions stériles ; des alliés, aussi, parmi ceux qui, au Parti socialiste, avaient par le passé fui ce que fut le MJS et ses dérives ou qui, connaissant ce qu’une organisation de jeunesse pouvait apporter à son parti, nous ont accompagné avec bienveillance et exigence ; des alliés, aussi, et ceux là sont inestimables, au sein des équipes du Parti socialiste, tous ces artisans de l’ombre qui font de notre parti un grand parti et que nous aimons ; des alliés enfin, dans la direction du Parti socialiste, qui nous a permis de reconquérir ce qui, de leur temps, avait été leur conquête : l’autonomie des Jeunes socialistes.
Cette reconstruction a pris 5 années. Elle fut d’abord le travail de celles et ceux qui, au lendemain du congrès de Bondy, se rassemblèrent au sein d’une direction collégiale, et je salue Sophie Dernois et Mehdi Chalah notamment, qui ont commencé à écrire, avant nous, cette nouvelle histoire. Vous aviez, plus sans doute que beaucoup d’autres, conscience des douleurs et des plaies encore béantes qui existaient alors dans notre organisation. Ce fut aussi le travail de la Coordination nationale transitoire, qui, à la suite du congrès de Villeurbanne, grâce au choix courageux d’Olivier Faure, a associé des responsables Jeunes Socialistes de toutes les tendances, de toutes les fédérations pour se mettre au travail. Ce fut enfin, le travail de l’équipe nationale sortante, que j’ai eu l’honneur de diriger et que je veux remercier pour son travail acharné.
Grâce à toutes celles et à tous ceux-là, camarades, nous sommes aujourd’hui rassemblés pour notre premier congrès.
Rappelons nous ce qu’était le MJS pour savourer ensemble ce que deviennent, jour après jour, les Jeunes socialistes.
Le MJS était une organisation recroquevillée sur elle-même, une organisation où régnaient les violences et qui ne savait pas ce qu’elle voulait faire de son futur et de ses orientations politiques. Nous ne répondons plus de chefs isolés. Nous renouvelons chaque jour les pratiques pour faire de notre organisation un espace politique où il fait bon vivre et où les combats de la gauche, les combats des socialistes, sont menés pour nous conduire ensemble à la victoire, pour changer la vie des gens et pour que toutes et tous vivent mieux !
Nous avons reconstruit les Jeunes Socialistes. Il y a un an, nous retrouvions un fonctionnement régulier en élisant des instances nationales et il y a six mois, nous retrouvions notre autonomie en réformant le règlement intérieur du parti socialiste et en adoptant le nôtre. Aujourd’hui, après des débats et des votes dans chaque fédération, nous retrouvons un cap. De nouveaux militants nous rejoignent chaque jour. Des fédérations se reforment. Les Jeunes Socialistes sont de retour, prêts à militer et à se battre pour vivre mieux !
Ce congrès, le premier d’une nouvelle page d’un livre que nous nous apprêtons à écrire, nous avons voulu le tenir à Lille, dans le quartier de Fives. Pas seulement pour la gastronomie lilloise, pas seulement pour la bière ou le soleil du Nord. Fives, c’est cet ancien faubourg ouvrier, à la sortie de la grande ville. Fives, c’est ce quartier qui a connu l’essor industriel, les filatures de lin, les usines métallurgiques et automobiles.
C’est ce quartier qui a construit des ponts et des gares dans toute la France, dont celle d’Orsay à Paris, qui a produit les machines du Transsibérien et les ascenseurs de la tour Eiffel, décoré le pont Alexandre III et le pont des Arts.
C’est ce quartier qui a été frappé de plein fouet par la crise, les fermetures, les délocalisations. Et c’est ce quartier qui renaît aujourd’hui, mais qui reste aux avant-postes de la crise sociale, pour qui pauvreté et inégalités ne sont pas simplement des sujets abstraits parmi d’autres, mais bien l’expérience du quotidien.
Fives, comme de nombreux autres quartiers, représente cette facette particulière de Lille et du Nord. Ces quartiers ont contribué à forger l’identité de Lille, ville de gauche depuis 125 ans, ville de Paul Lafargue, de Roger Salengro, de Gustave Delory, d’Augustin Laurent, de Pierre Mauroy, de Martine Aubry !
Mes chers amis, si nous devons ne garder qu’une leçon de ces grandes figures, gardons celle-ci : nous sommes rassemblés dans une ville, sur un territoire où s’est forgée la gauche du travail et du temps libre, la gauche des grandes conquêtes sociales de ce pays.
Pour Paul Lafargue, le salariat était le pire des esclavages. Pour Jules Guesde et les marxistes français, le prolétariat enrôlé dans le salariat y façonne sa conscience de classe et apprend à se battre pour ses intérêts. Pendant tout le XXème siècle, la gauche a bouillonné ici pour y forger ses idées et ses combats.
Dans ce creuset du Nord, la société industrielle a forgé un peuple d’ouvriers et d’ouvrières, de travailleurs et de travailleuses.
Ceux-là ont connu dans leur chair le développement d’un travail harassant, et oui, n’ayons pas peur de le dire, d’un travail aliénant. La gauche ne craint pas de dire toute la souffrance que peut produire un travail lorsqu’il n’est pas encadré, lorsqu’il n’est pas réglementé par les conventions collectives, par le droit social, par le droit universel à un travail émancipateur qui figure dans le préambule de la constitution de 1946.
Qui peut nier aujourd’hui la souffrance des livreurs qui sillonnent nos villes pour le compte de plateformes désincarnées ?
Qui peut nier aujourd’hui la souffrance de nos soignants qui subissent un système écrasant où la réduction des coûts prime sur la bonne prise en charge de nos aînés et de nos malades ?
Qui peut nier aujourd’hui la souffrance de tout un peuple qui cherche le sens du travail de plus en plus dirigé par la réduction des coûts ?
Ce fut Roger Salengro qui annonça le 8 juin 1936 la signature des accords de Matignon.
N’ayons pas peur, d’affirmer, ici, haut et fort, qu’il nous faut relever ce flambeau et regarder en face les défis de notre temps. Partout, le capital, soutenu par des marchés globalisés, tente de réduire la part de la valeur gagnée par les travailleurs.
En vérité, conditions de travail et rémunération du travail ne sont que les deux faces d’une même pièce. Aujourd’hui, cette pièce doit être frappée de nos valeurs de justice.
C’est précisément pour cette raison que les Jeunes Socialistes défendent la réduction du temps de travail et la conquête de nouveaux temps libérés.
Camarades, je ne me résous pas à ce que le travail, l’entrée sur le marché du travail ou la recherche d’un stage, d’un apprentissage, ne devienne qu’une source d’angoisse par sa rareté. Le travail est une richesse, il nous faut la partager !
Le travail, c’est l’émancipation des femmes et des hommes par le salaire, c’est la rencontre entre l’individu et le collectif, le travail et les conquêtes de nos droits, tout cela est cœur de l'identité socialiste.
Notre combat, en tant que socialistes, c’est un combat pour changer la vie. Changer la vie, ça n’est pas juste une formule de Mitterrand, qu’on cite entre Jaurès et Blum dans un discours pour faire bien, pour cocher les cases.
C’est parce que nous sommes socialistes que nous refusons toute oppression et toute assignation à résidence, qu’elle soit fondée sur l’origine sociale, sur l’orientation sexuelle ou sur la couleur de peau. Le socialisme, c’est la lutte pour l’émancipation.
C’est encore une fois ici à Fives que ce combat pour l’émancipation prend tout son sens. C’est ici que la gauche a trouvé sa raison d’être. C’est ici que le socialisme a rencontré la République, que l’égalité politique a rencontré la justice sociale. C’est ici que s’ancre notre lutte pour mettre les libertés au pluriel.
Alors que le repli identitaire se renforce, que les liens sociaux qui nous unissent se délitent, que des acquis historiques comme le droit à l’avortement sont remis en question, nous devons tenir bon.
Face à la montée des intégrismes religieux et des conservatismes, nous devons mener une véritable bataille culturelle. Une bataille culturelle laïque et universaliste, une bataille culturelle qui combat l’oppression patriarcale des religions sur les corps, qui trouve des guerrières dans le monde entier, quand les iraniennes brûlent leurs voiles, quand on les sait chanter Bella Ciao, à nos côtés, en farsi face aux islamistes, quand les italiennes se battent pour pouvoir avorter et garder la maîtrise de leur sexualité, libre, consentie, joyeuse, face aux puritains catholiques, quand les israéliennes luttent pour pouvoir divorcer, face aux tribunaux rabbiniques. Tous ces combats sont les nôtres, des conquêtes de nouveaux droits, des conquêtes du progrès et de la liberté.
Mais il serait trop aisé de prétendre que ces luttes ne se vivent pas aussi chez nous, dans nos quartiers, dans nos maisons, dans nos rues. Partout où la République et sa promesse d’émancipation s’est éloignée, partout où nous avons abandonné nos combats féministes, égalitaires, laïques et universalistes, dans de vaines compromissions, espérant gagner un électeur en l’infantilisant, partout où nous, socialistes, nous sommes perdus, nous avons fait gagner les conservatismes et les extrêmes droites, politiques comme religieuses. En France, nous sommes et serons
toujours aux côtés de ceux qui, comme les journalistes de Charlie-Hebdo ou Samuel
Paty sont morts d’avoir défendu la liberté d’expression face à l’islamisme, car, oui, en France, et depuis fort longtemps, il n’y a pas de délit de blasphème : la religion est ici une opinion, et de ce fait, elle doit pouvoir être critiquée !
C’est en nous réarmant pour mener toutes ces batailles culturelles, en osant regarder nos erreurs en face, en considérant chaque citoyenne, chaque citoyen, quellle que soit son origine, sa religion, son salaire ou son lieu de vie, pour ce qu’il ou elle est, c’est à dire un individu digne de considération, d’écoute, de conviction et de persuasion, c'est ainsi que nous retrouverons le chemin des conquêtes.
Je ne veux pas d’un mouvement vertical reposant sur le culte d’un chef. Je ne veux pas d’un parti de notables sans autre horizon que leur réélection. Je veux que les Jeunes Socialistes soient cette organisation qui change la vie des gens, mais également de ses membres. Je veux que chacune et chacun puisse trouver chez nous de quoi s’ouvrir à d’autres questions, à d’autres vécus, je veux que chacune et chacun soit en capacité de défendre les causes qui lui sont chères et d’en découvrir de nouvelles. Nous ne défendons pas une cause plus qu’une autre, nous sommes les combattants d’une alternative, nous voulons voir le socialisme écologique se réaliser.
Je veux que nous réalisions ce qui nous manque pour devenir pleins et entiers, fiers de nous et de nos victoires à venir.
Nous serons cet espace d’écoute et de respect, de fraternité, de camaraderie.
Le MJS d’antan a trahi les femmes, n’a pas su les défendre. Il a passé sous silence les viols, le harcèlement, la violence.
Notre organisation accepte encore trop facilement qu’on me qualifie d’objet entouré d’hommes décisionnaires ou qu’on me juge trop autoritaire, trop impatiente ou trop ambitieuse, reproches qu’on ne fait qu’à des femmes ! Je tiens ici à apporter tout mon soutien et à rappeler ma confiance et mon amitié aux femmes de mon équipe nationale, trop souvent moquées ou invisibilisées par une opposition qui ne semble pas avoir su encore renouveler ses pratiques. Nous devons donner toute leur place aux femmes, je n’accepterai pas d’être un arbre qui cacherait une forêt.
Notre organisation a trop longtemps accepté d’être majoritairement composée de militants issus des mêmes parcours, des mêmes milieux sociaux.
Il nous faut désembourgeoiser notre organisation. Il nous faut redonner toute leur place à tous les militants, quel que soit leur parcours, leur quartier d’origine, leur classe sociale. Continuons à nous remettre en question !
Si nous allons, demain, sur le terrain pour convaincre de futures militantes et de futurs militants de nous rejoindre, nous devons être fiers de ce qui les attendra en notre sein. Une organisation où les femmes ont la parole, où elles ont des responsabilités, où elles ont le pouvoir !
Une organisation où les camarades sont formés pour prendre la parole. Une organisation où une collecte alimentaire, l’écriture d’un texte, la distribution d’un tract, une soirée au cinéma, le collage d’une affiche, un match de foot, ou prendre la parole devant ses camarades sont des actions utiles, valorisées et importantes.
J’avais 16 ans lorsque j’ai adhéré au MJS. Je ne savais rien du socialisme. J’ai appris avec d’autres, aux côtés de figures que j’ai aimées et que j’aime toujours, mes premiers secrétaires fédéraux, en Essonne comme à Paris, Carlos da Silva, Rémi Féraud ou Emmanuel Grégoire, mes aînées, et je pense à Patrick Bloche qui était avec nous hier, je n’oublie pas Danièle Hoffman-Rispal, j’ai appris avec eux ce qu’est le socialisme.
Mais je dois vous dire, camarades, que sans vous tous, rien ne serait possible : c’est avec de nouveaux talents, de nouvelles militantes, de nouveaux militants que nous relèverons tous ces défis !
Ne nous y trompons pas. Le principal enjeu des prochaines années, la colonne vertébrale de toute notre action, c’est un affrontement de visions, une véritable bataille idéologique et culturelle. Nos combats, nous les portons face à un libéralisme débridé. Nous les portons face aux partisans de l’austérité qui gouvernent loin du peuple et se rendent coupables en ce moment même d’une violence sociale sans nom.
Ces combats, nous les portons contre l’extrême-droite. Cela fait cinquante ans que le Front National existe, cinquante ans que le nom “Le Pen” fait partie du paysage politique de ce pays. Cinquante ans que ce parti s’enracine doucement, qu’on voit les écarts se réduire, les seconds tours contre le Rassemblement national se multiplier, que les cartes de France se colorent de bleu marine le soir des élections.
Des décennies aussi que la mobilisation contre l’extrême-droite faiblit. Le 1er mai 2002, ils étaient 1.300.000 à descendre dans la rue contre Jean-Marie Le Pen entre les deux tours de l’élection présidentielle. Le 11 avril 2022, au lendemain du 1er tour, nous étions 20.000. Le racisme se porte de mieux en mieux : des candidats à la présidentielle parlent de grand remplacement, on hurle à un député de retourner en Afrique dans l’hémicycle de l’Assemblée nationale, le bar “La Citadelle” à Lille organise des soirées sur le même thème, nos camarades dans les universités sont poursuivis et agressés par des groupuscules d’extrême droite qu’on imaginait disparus.
La responsabilité d’Emmanuel Macron dans cette progression est incontestable. En érigeant le Rassemblement National en unique opposition, en ne soutenant pas clairement les candidats de gauche face à ceux d’extrême-droite au second tour des élections législatives, en ne nommant pas un, mais deux vice-présidents d’extrême-droite à l’Assemblée nationale, Emmanuel Macron a enterré le barrage républicain.
Cet enracinement nous oblige cependant à remonter un peu plus loin que ces cinq dernières années. Comment se fait-il que des terres comme le bassin minier, d’anciens bastions ouvriers, historiquement socialistes ou communistes, basculent les uns après les autres ? Remettre en question notre discours, nos façons de faire, tout cela est indispensable.
On nous parle de conséquences de la mondialisation, de déclin économique, d’évolutions sociales et sociétales. On nous parle d’une colère face à un pouvoir sourd, face à un monde qui change trop vite, on nous parle d’une haine vis-à-vis de ceux qui semblent menacer une France idéalisée, une identité étriquée et pourtant exaltée.
L’ennemi, camarades, c’est la peur. Certains pensent que c’est la haine, mais c’est la peur. La peur du déclin, la peur que le futur de ses enfants ne soit pas mieux que le sien, la peur d’un ennemi invisible, quel que soit son visage, d’une menace extérieure. Mais comment jeter la pierre à celui ou à celle qui, aujourd'hui, a peur ?
L’extrême-droite, comme le disait Laurent Fabius, ce sont de fausses réponses à de vraies questions. De vraies questions : comment dîner pour moins de 2€, comment trouver un travail, comment traverser sa ville sans avoir peur de se faire harceler ou agresser quand on est une femme ou une fille, comment faire son plein pour sortir de sa ville ou de son village, comment renouer avec une appartenance commune à des symboles, à des valeurs partagées, quand le repli communautaire enferme, quand la désindustrialisation a ravagé ces territoires où l’on travaillait ensemble, quand tout semble si lointain et si absurde.
De fausses réponses, aussi, car l’extrême-droite se nourrit de ces peurs pour nous servir sa rengaine identitaire. Ce sont les mêmes théories, les mêmes méthodes qu’auparavant, qui prospèrent sur le désespoir pour imposer leur vision du monde, dresser les uns contre les autres. Et tout ça sous un vernis social qui se brise à chaque fois qu’il faut voter le SMIC à 1.500€, le repas à 1€ ou descendre dans la rue pour protester contre la réforme des retraites.
L’extrême-droite est la plus grande arnaque de ce siècle. Et pourtant, c’est elle qui gouvernera ce pays dans quatre ans si nous ne faisons pas mieux. La division et le repli ne résoudront rien. Face aux mirages du RN, il est de notre devoir, à nous socialistes, d’être en mesure de proposer une alternative pour le pays.
Cette alternative socialiste n’a pas pour seule vocation la lutte contre l’extrême-droite. Le défi qui nous attend est d’une toute autre ampleur. C’est celui de la déliquescence de notre société du collectif, l’apogée de dizaines et de dizaines d’années de néolibéralisme et d’individualisme poussé à l’extrême.
Soudain, voilà que le marché serait devenu plus efficace que l’Etat pour assurer le bien-être des citoyens. Voilà que la main invisible est devenue la norme déterminante de l’action publique. Alors que l’Etat-providence français faisait notre fierté, voilà que les services publics sont devenus autant de postes de dépenses inacceptables, à réduire absolument au nom d’une prétendue rationalité. Souvenez-vous de la honte ressentie dans nos cœurs à tous quand nous voyions l’état de nos hôpitaux pendant la crise sanitaire, des murs bouffés par l’humidité, des soignants au bord de la rupture.
Et pourtant, au bout de quarante ans d’austérité, de désengagement de l’Etat et de démantèlement de l’action publique à coup de coupes budgétaires, la situation s’est-elle améliorée ? Au contraire, les écoles, les hôpitaux, les tribunaux, les transports, tous sont exsangues.
Pire encore, les chocs successifs face à l’abandon de ce qui faisait la fierté des Français : leur modèle énergétique livré à la dérégulation et à une libéralisation aveugle du marché de l’électricité ; le désarroi aussi, bien sûr, à voir notre système de santé dépassé et ses personnels dans une grande détresse au moment de la crise du Covid, jusqu’ à apprendre que l’on pouvait même manquer de Doliprane …
Emmanuel Macron n’a pas fait différemment. Surprise, le dépassement des clivages n’existe pas. Le “en même temps” macroniste” est “et de droite, et de droite”. C’est toujours la même droite, ultralibérale. Et sa dernière attaque contre notre modèle social, c’est bien sûr la réforme des retraites Borne - Ciotti, d’une violence inouïe sur le fond comme sur la forme.
Une réforme injuste qui s’attaque aux femmes, aux métiers les plus durs, les plus précaires. Une réforme injustifiée, qui prétend équilibrer un système qui n’est pas déficitaire, alors que depuis cinq ans, les baisses d’impôts des riches se poursuivent.
Une réforme imposée, multipliant les contournements législatifs pour passer en force. Du 47.1 au 49.3, ils ont bafoué l’opposition, muselé le Parlement, écrasé les manifestations. Mes chers camarades, face à de telles méthodes, peut-on vraiment s’étonner de l’abstention, du désintérêt pour la politique, de la colère croissante des citoyens contre leurs représentants ? De quelle représentation parle-t-on lorsqu’un gouvernement impose une réforme rejetée par 70% de la population ?
À terme, la conséquence de ces pratiques, c’est l'essoufflement démocratique. Lorsque les services publics disparaissent et que les décisions se prennent contre l’avis des citoyens, lorsque la seule chose qu’ils reçoivent de leur président, c’est du mépris et de la condescendance, étonnamment, ils se détachent de la politique. À quoi bon ? À quoi bon si mon vote n’a pas d’importance, si je n’ai pas de prise sur le cours des choses. Notre devoir est de redonner du sens à l’engagement, à la politique : de redonner du sens au vote !
Notre discours ne divise pas la population, ne met pas les femmes et les hommes dans des cases, n’installe aucun discours manichéen. Nous sommes ce qu’on appelle la gauche de gouvernement, nous avons l’expérience du pouvoir. Nous savons qu’être maire, qu’être président de département, diriger une région, diriger un pays, ce n’est pas juste pour ses électeurs, pour son groupe. Notre politique, c’est celle qui rassemble par-delà les clivages, les convictions, les votes. Nous savons aussi, ce que cela coûte de décevoir après avoir promis, ce que coûte la compromission et les échecs. Nous ne reproduirons pas les mêmes erreurs que nos aînés.
Voilà le sens de notre engagement. Et c’est cette volonté, cet optimisme, que nous, socialistes, devons porter, aujourd’hui plus que jamais.
Mes chers amis, cet idéal démocratique, ce renouveau démocratique, les socialistes ne peuvent pas, au XXIe siècle, le porter uniquement pour la France. Nous devons être celles et ceux qui portent un idéal démocratique européen. Nous ne pouvons pas nous résoudre à une Europe technocratique déconnectée des peuples qui la composent. Qui peut penser aujourd’hui que le défi de la transition écologique et les transformations sociales qu’elle suppose peuvent se faire sans l’adhésion massive des peuples européens ?
Seule une Europe démocratique, plus démocratique sera assez forte et légitime pour être souveraine. Prouvons mes chers camarades, prouvons à tous les autocrates et à tous les dictateurs de cette planète, prouvons à ceux qui nous croient faibles, prouvons-leur que rien n’est plus fort et plus rassembleur qu’une démocratie. Prouvons-leur que seule une démocratie forte et populaire peut répondre à la crise écologique, aux crises sociales, aux désordres et aux inégalités.
Plus démocratique, l’Europe protégera les femmes, les personnes LGBTQI+ que d’autres tentent d’écraser. L’Europe protègera nos libertés fondamentales face aux assauts des puissants, des multinationales et des puissances autocratiques.
Faisons entrer l’Europe dans une nouvelle ère en la sortant de la minorité pour la faire devenir majeure et émancipée. Sortons la de la tutelle des bureaucrates et des pleutres, osons rapprocher l’Europe des peuples pour lui redonner un sens.
Plus souveraine, elle sera à même de soutenir une réindustrialisation indispensable à un plus juste partage des richesses et à une transition écologique vitale. Il n’y aura pas de transition écologique sans protection de notre agriculture au niveau européen, sans protection de nos agricultrices et de nos agriculteurs contre la concurrence inique de produits destructeurs de l’environnement. Il n’y aura pas non plus de transition écologique sans le retour des industries dans nos territoires. Comment cela pourrait-il être quand près de la moitié de notre empreinte carbone est importée, de Chine et d’ailleurs ? Il n’y aura pas de transition écologique sans régulations des services financiers et de la haute finance. L’Europe ne peut plus vivre au rythme des heures d’ouverture et de fermeture des bourses mondiales.
Plus solidaire, elle saura mettre fin aux dumpings sociaux et fiscaux de certains Etats membres qui minent la cohésion européenne, comme l’évasion fiscale mine la cohésion nationale.
Plus féministe, elle ne permettra pas à des états membres d’empêcher les femmes d’avorter ou d’avoir accès à une contraception adaptée. Elle reglementera aussi les salaires pour atteindre, enfin, l’égalité salariale entre les femmes et les hommes.
Plus forte, elle saura défendre son peuple face aux intrusions guerrières des adversaires de nos libertés. Camarades, nous serons la génération qui verra l’Ukraine rejoindre l’Union européenne ! Qui portera son idéal humaniste avec clarté, en ne laissant plus jamais, une femme, un homme ou un enfant mourir dans la mer médittérannée.
Je sais ce que l’Europe des peuples et l’idéal de l’égalité peut apporter, j’en suis moi-même le fruit. Traverser un continent pour rejoindre la patrie des droits de l’homme et de la première Révolution, se battre pour ses idéaux même quand la France trahit ses propres fondations, ce fut l’histoire de femmes et d’hommes qui m’ont bercée de leurs récits et de leur amour pour la nation, l’histoire de ma famille comme celles de tant de visages que je vois ici. Cet amour là, pour notre pays, pour l’union européenne et ses valeurs, c’est cela qui nous conduit à être si exigeant envers le monde qui nous entoure.
Jeunes socialistes, nous sommes toujours en quête d’avenir et nous ne céderons jamais, pas un pouce, pour moins que l’égalité ! Cette insatisfaction, cette soif d’idéal, de nouveaux droits, de nouvelles conquêtes, là est notre force !
Cette exigence, nous la portons aussi envers nos aînés et nous voulons que la jeunesse de ce parti soit entendue, soit respectée et soit représentée ! Dans toutes nos instances, sur toutes nos listes, dans tous nos hémicycles, la jeunesse socialiste sera là. Vous ne pourrez dans tous les cas plus faire sans nous.
Mes chers amis, mes chers camarades, cette vision de l’Europe, ces paroles sur l’Europe, mais aussi les mots sur notre futur et nos combats, c’est aussi une feuille de route que je vous propose pour l’avenir. Je vous remercie pour la confiance que vous m’avez apportée, confiance que je sais bienveillante mais exigente, vous pouvez compter sur moi, je resterai, grâce à vous, grâce aux Jeunes socialistes, une femme libre et toujours prête à changer la vie.
Je suis très heureuse de devenir aujourd’hui la première présidente des Jeunes socialistes, de notre nouvelle organisation.
Continuons, défrichons, inventons et demain, camarades, gagnons !
Vive les Jeunes socialistes, vive le socialisme et son parti, vive la République et vive la France !
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