Il y a quelques jours avait lieu la journée contre les violences faites aux femmes. Nous alertons aujourd’hui sur cette situation préoccupante et en particulier en ruralité.

Quelle est la réalité aujourd’hui ?

Les violences sexistes et sexuelles (VSS) désignent des propos ou des comportements ciblant le sexe, l'orientation sexuelle ou l'identité de genre d'une personne. Elles peuvent survenir aussi bien dans le cadre professionnel que dans les espaces publics ou la vie privée. Ces violences, lorsqu'elles atteignent leur paroxysme, peuvent conduire aux agressions et pour le pire aux féminicides, c'est-à-dire au meurtre de femmes ou de jeunes filles pour l’unique raison qu’elles sont des femmes.

Sur le territoire national, le collectif Nous Toutes a recensé :

  • 134 féminicides en 2023 et déjà 122 féminicides pour l’année 2024.
  • 1 viol ou 1 tentative de viol toutes les 2 minutes 30
  • 213 000 femmes victimes de violences physiques ou sexuelles de la part de leur conjoint ou ex-conjoint chaque année et parmi ces victimes, 29% sont âgées de 18 à 29 ans.
  • 80% des femmes en situation de handicap ont été victimes de violences sexuelles. Ces dernières sont 4 fois plus susceptibles de subir des violences sexuelles que le reste de la population féminine
  • 32% des femmes victimes de viol ou de tentative de viol ont tenté de se suicider

Aucun territoire ou milieu social n'est épargné face aux violences faites aux femmes. En milieu rural, il est particulièrement difficile de venir en soutien des femmes victimes de violences alors que 33% de la population française vit en milieu rural, et que 50% des féminicides se trouvent dans ses territoires. De plus, la ruralité est confrontée à de trop nombreuses contraintes et un manque de services publics accru par rapport aux grandes villes. 

Notre constat : une attention particulière à apporter aux territoires non-urbains

Loin des métropoles, c'est la triple peine : difficulté de préserver son anonymat, manque de structures et dispositifs nationaux d'information et d’accueil, manque de structures d'accueil d'urgence de proximité.

 

  • Une difficulté de préserver son anonymat

Dans un petit village, l'anonymat est quasi inexistant, rendant particulièrement difficile la préservation de la confidentialité en milieu rural. Cette situation constitue un frein majeur à la libération de la parole. De surcroît, il n'est pas rare que des dynamiques locales, entre voisins ou membres de familles, se forment pour discréditer les témoignages des femmes. Ces pressions s'ajoutent à la crainte des représailles, qui dissuade souvent les individus de prendre position ou de témoigner.

 

  • Un manque de structures et dispositifs nationaux d'information et d’accueil

Un élément déclencheur est souvent nécessaire afin de trouver le courage de déposer plainte. En zone rurale, seules 12 % des femmes poussent la porte d’une gendarmerie contre 36 % en ville. 

Au niveau national, un numéro de référence pour l'écoute et l'orientation des femmes victimes de violences, le 3919, a été mis en place depuis 1992. Toutefois, les appels provenant des zones rurales ne représentent que 26 % des appels pris en charge, contre 74 % provenant des territoires urbains ou intermédiaires. Ces données soulignent une sous-utilisation de ce service par les femmes vivant en milieu rural. Alors qu’elles seraient plus exposées à ce risque. 

Néanmoins, de nouvelles initiatives innovantes, telles que la plateforme The Sorority, lancée en 2020, a été développée pour renforcer les dispositifs existants. Cette application permet à une utilisatrice de déclencher une alerte en cas de danger, diffusée aux 50 utilisatrices les plus proches via GPS, leur permettant d’intervenir rapidement : en contactant la victime, en alertant les autorités, ou en se rendant sur place. Cependant, en milieu rural, l’efficacité de cette application est limitée par des contraintes spécifiques.

Un progrès majeur est attendu en 2025. Toutes les femmes victimes de violences pourront déposer plainte directement dans les hôpitaux de France suite à des violences subies. Pourtant, la ruralité souffre d’une crise profonde en matière de désertification médicale. Les hôpitaux et services d’urgence se font de plus en plus rares, compliquant l’accès à des professionnels capables de constater les blessures. Ce manque est particulièrement critique pour les spécialités telles que la gynécologie. 

 

  • Un manque de structures d'accueil d'urgence de proximité

Les difficultés liées à la mobilité et à l’isolement géographique constituent des obstacles récurrents, souvent complexes à surmonter. L’absence de moyens de transport individuels ou collectifs limite fortement l’accès à l’autonomie et la possibilité pour les femmes en milieu rural de quitter une situation de violence.

Certaines femmes se retrouvent dépendantes de leur conjoint, ce qui complique leur accès aux structures et associations capables de les accompagner dans leur parcours. De plus, même lorsque ces structures sont implantées au cœur des communes, de nombreuses femmes hésitent à s’y rendre, redoutant le jugement ou les regards indiscrets dans un contexte où « tout le monde se connaît et tout se sait ».

Enfin, les structures d’accueil d’urgence de proximité sont rares en milieu rural, et l’accès à une écoute spécialisée reste limité par la distance. Dans certaines zones, il est particulièrement difficile pour les femmes de trouver un soutien rapide et adapté à leur situation.

Faire de la lutte contre les violences faites aux femmes une priorité sur tout le territoire

 

En conséquence, nous soutenons une réelle prise de conscience des difficultés qui peuvent émerger pour les femmes victimes de violence dans des milieux non-urbains. Une des priorités doit être l’accès aux droits et la mise en place de cellules mobiles d’écoute et d’information pour les femmes. Les Centre d'information sur les droits des Femmes et des Familles (CIDFF) devraient être dotés de moyens permettant d’installer des permanences temporaires et régulières dans tous les territoires. Souvent situées dans les plus grandes villes des départements, ces structures précieuses doivent pouvoir se déployer et aller vers toutes les femmes. 

L’intervention d’associations agréées doit être facilitée dans tous les établissements scolaires, et être favorisée dans les collèges et lycées parfois éloignés des centres villes. Dès le plus jeune âge, les filles doivent savoir qu’elles peuvent s’adresser à des structures accueillantes pour qu’elles puissent être protégées. Les élus locaux, mais aussi les services de l’État dépendant de l’Éducation nationale dans les territoires, doivent mettre des moyens à disposition des associations et des structures spécialisées pour cela.

Enfin, nous pensons que la plus simple mais aussi efficace des solutions est la solidarité et la sororité entre femmes. Il est possible de mettre en place un réseau de “personnes de confiance” dans tous les territoires, qui seraient en capacité d’accueillir les femmes victimes afin de les orienter, en préservant l’anonymat, et en représentant un soutien moral. Ces dispositifs permettraient de lutter contre l’appréhension que peut représenter la prise de rendez-vous et la visite de structures spécialisées.